HISTORIQUE ET TEMOIGNAGES DE SAVANTS SUR DES TEXTES D’ALLAN KARDEC, LEON DENIS et GABRIEL DELANNE
Les croyances à l’immortalité de l’âme et aux communications possibles entre les vivants et les désincarnés étaient générales parmi les peuples de l’Antiquité.
Cependant, à l’inverse de ce qui a lieu depuis Kardec, les pratiques par lesquelles on arrivait à entrer en rapport avec les âmes désincarnées, étaient l’apanage exclusif des prêtres qui avaient soigneusement accaparé ces cérémonies, non seulement pour s’en faire de lucratifs revenus pour maintenir le peuple dans une ignorance absolue sur le véritable état de l’âme après la mort, mais aussi, pour revêtir à ses yeux un caractère sacré, puisque seuls ils pouvaient révéler les secrets de la tombe. Nous trouvons dans les plus antiques recueils religieux la preuve de ce que nous avançons.
Les annales de toutes les nations constatent que depuis les époques les plus reculées de l’histoire, l’évocation des Esprits était pratiquée par certains hommes qui en avaient fait une spécialité.
Le plus ancien code religieux que l’on connaisse, les Vedas, paru plusieurs milliers d’années avant Jésus Christ, relate l’existence des Esprits. Voici comment le grand législateur, Manou, s’exprime à ce sujet :
« Les Esprits des ancêtres, à l’état invisible, accompagnent certains Brahmanes invités (pour les cérémonies en commémoration des morts), sous une forme aérienne ; ils les suivent et prennent place à côté d’eux lorsqu’ils s’asseyent. »
Dans le texte de l’ancien Bhâgavata Purâna, on dit que longtemps avant qu’elles se dépouillent de leur enveloppe mortelle, les âmes qui n’ont pas pratiqué le bien, comme celles qui habitent les corps de Sannaysis et des Vanaprastha – Anachorètes et Cénobites acquièrent la faculté de converser avec les âmes qui les ont précédées dans l’Au-delà ; c’est le signe pour ces âmes que la série de leurs transmigrations sur la Terre est terminée.
De temps immémoriaux, les prêtres, initiés aux mystères, façonnent des individus, nommés fakirs, à l’évocation des Esprits et à l’obtention des phénomènes les plus remarquables du magnétisme.
Louis Jacolliot, dans son ouvrage Le Spiritisme dans le monde expose tout au long les théories des Hindous sur les Pitris : c’est-à-dire les Esprits vivant dans l’espace après la mort du corps.
Il résulte des recherches de cet auteur, que le secret de l’évocation des morts était réservé à ceux qui pouvaient réaliser quarante ans de noviciat et d’obéissance passive. L’initiation comprenait trois degrés :
Dans le premier, étaient formés tous les Brahmanes du culte vulgaire et les desservants des pagodes chargés d’exploiter la crédulité de la foule. On leur apprenait à commenter les trois premiers livres des Vedas, à diriger les cérémonies, à accomplir les sacrifices ; les Brahmanes du premier degré étaient en communion constante avec le peuple : ils étaient ses directeurs immédiats, ses Gourous.
Le deuxième degré comprenait les exorcistes, les devins, les prophètes, les évocateurs d’Esprits qui, à certains moments difficiles, étaient chargés d’agir sur l’imagination des masses, par des phénomènes surnaturels. Ils lisaient et commentaient l’Artharva-Veda, recueil de conjurations magiques.
Dans le troisième degré, les Brahmanes n’avaient plus de relations directes avec la foule. L’étude de toutes les forces physiques et naturelles de l’univers était leur seule occupation et, quand ils se manifestaient au dehors, c’était toujours par des phénomènes terrifiants.
Ainsi depuis des temps immémoriaux, on se livrait en Chine à l’évocation des Esprits des ancêtres. Le missionnaire jésuite Huc rapporte un grand nombre d’expériences qui ont pour but de faire communiquer les vivants et les morts. De nos jours, ces pratiques sont clarifiées et codifiées par les travaux d’Allan Kardec sous le nom de Spiritisme, néologisme inventé par Kardec pour le différencier sans l’opposer au mot spiritualisme.
Avec le temps et par suite de guerres qui forcèrent une partie de la population en Inde à émigrer, le secret des évocations se répandit dans toute l’Asie, et on retrouve chez les Egyptiens et les Hébreux la tradition qui leur vint de l’Inde.
Tous les historiens semblent d’accord pour accorder aux prêtres de l’ancienne Egypte les pouvoirs qui semblaient surnaturels ou mystérieux. Les magiciens des Pharaons accomplissent ces prodiges qui sont racontés dans la Bible, mais en laissant de côté ce qu’il peut y avoir de légendaire dans ces récits : il est bien certain qu’ils évoquaient les morts puisque Moïse, leur disciple, défend formellement aux Hébreux de se livrer à ces pratiques :
« Que parmi vous personne n’use de sortilèges et d’enchantements ou n’interroge les morts pour apprendre la vérité » (Deutéronome).
Malgré cette interdiction, nous voyons Saül aller consulter la pythonisse d’Endor et, par son intermédiaire, communiquer avec l’ombre de Samuel. C’est ce qu’on appelle de nos jours une matérialisation.
Ces phénomènes qui se sont produits d’une façon magistrale et contrôlée par d’authentiques savants au cours du 19e siècle et au début du 20e siècle, se sont raréfiés de nos jours.
En dépit de l’interdiction de Moïse, il y eut toujours des chercheurs qui furent tentés par ces évocations mystérieuses ; ils se communiquaient les uns aux autres une doctrine secrète qu’ils nommaient la Kabbale, mais en s’entourant de précautions et en faisant jurer à l’adepte un secret, inviolable pour le vulgaire.
Le Talmud dit : « Quiconque a été instruit de ce secret (l’évocation des morts) et le garde avec vigilance, dans un cœur pur, peut compter sur l’amour de Dieu et la faveur des hommes ; son nom inspire le respect, sa science ne craint pas l’oubli, et il se trouve l’héritier de deux mondes : celui où nous vivons maintenant, et le monde à venir ».
En Grèce, la croyance aux évocations était générale. Les temples possédaient tous des femmes nommées pythonisses, chargées de rendre des oracles en évoquant les dieux. Parfois, le consultant désirait voir et parler lui-même à l’ombre désirée et, comme en Judée, on parvenait à le mettre en communication avec l’être qu’il voulait interroger.
Homère, dans l’Odyssée, décrit minutieusement par quelles cérémonies Ulysse peut converser avec l’ombre du divin Thérésias. Ce cas n’est pas isolé et ces pratiques étaient fréquemment employées par ceux qui désiraient entrer en relation avec les âmes des parents ou amis qu’ils avaient perdus.
Apollonios de Thyane, savant philosophe, pythagoricien et thaumaturge d’une grande puissance, possédait des connaissances très étendues sur ce qu’on appelait les sciences occultes ; sa vie fourmille de faits extraordinaires ; il croyait fermement aux Esprits et à leurs communications possibles avec les vivants.
Chez les Romains, les pratiques d’évocations étaient excessivement répandues et, depuis la fondation de l’empire, le peuple ajoutait la plus grande foi aux oracles. Les sibylles romaines, évoquant les morts, interrogeant les Esprits, sont sans cesse consultées par les généraux et nulle entreprise, un peu importante, n’est décidée sans qu’on ait au préalable pris l’avis de ces prêtresses.
Il arriva en Italie ce qui avait lieu dans l’Inde, en Egypte et chez les Hébreux : le privilège d’évoquer les Esprits, primitivement réservé aux membres de la classe sacerdotale, se répandait peu à peu dans le peuple, car si nous en croyons Tertullien Dr de l’Eglise (160-240) le Spiritisme s’exerçait chez les Anciens par les mêmes moyens qu’aujourd’hui.
« S’il est donné, dit-il, à des magiciens de faire apparaître des fantômes, d’évoquer les âmes des morts, de pouvoir forcer la bouche des enfants à rendre des oracles, si ces charlatans contrefont un grand nombre de miracles, s’ils envoient des songes, s’ils ont à leurs ordres des Esprits messagers et des démons, par la vertu desquels les chèvres et les tables qui prophétisent sont un fait vulgaire, avec quel redoublement de zèle ces Esprits puissants ne s’efforcent-ils pas de faire, pour leur propre compte, ce qu’ils font pour le service d’autrui ». (Tertullien. Apologétique. 23)
A l’appui des affirmations de Tertullien, on peut citer un passage d’Ammien Marcellin, au sujet de Patricus et d’Hilarius traduits devant un tribunal romain pour crime de magie, qui se défendirent en racontant qu’ils avaient fabriqué, avec des morceaux de laurier, une petite table (mensulan) sur laquelle ils avaient placé un bassin circulaire fait de plusieurs métaux et contenant un alphabet gravé sur les bords.
Alors, un homme vêtu de lin, après avoir récité une formule et fait une évocation au dieu de la divination, tenait suspendu au-dessus du bassin un anneau de fil de lin très fin et consacré par des moyens mystérieux. Que l’anneau, sautant successivement, mais sans confusion sur plusieurs des lettres gravées et s’arrêtant sur chacune, formait des vers parfaitement réguliers qui étaient les réponses aux questions posées.
Hilarius ajouta qu’un jour, il avait demandé qui succèderait à l’empereur actuel et l’anneau ayant sauté, donna les syllabes « théo ». Il n’en demanda pas davantage, persuadé que ce serait Théodore.
Mais les faits, dit Ammien Marcellin, démentirent plus tard les magiciens, mais non la prédiction, car ce fut Théodose.
La défense d’évoquer les morts, que nous voyons édictée par Moïse, fut générale dans l’Antiquité.
Le pouvoir théocratique et le pouvoir civil étaient trop intimement liés pour que cette prescription ne fût pas sévèrement observée. Il ne fallait pas que les âmes des morts vinssent contredire l’enseignement officiel des prêtres et porter la perturbation chez les hommes, en leur faisant connaître la vérité. Ainsi, l’Eglise catholique, qui plus que toute autre, a besoin d’une foi aveugle, sentit la nécessité de combattre ces détestables pratiques, et nous voyons pendant le Moyen Age des milliers de victimes brûlées sans pitié, sous le nom de sorciers et de magiciens, pour avoir évoqué les Esprits.
Quelle sombre époque que celle où les Bodius, les Delancre, les Del-Rio, s’acharnaient sur les chairs pantelantes des victimes pour y chercher la marque du prétendu diable ! Combien de misérables hallucinés périrent au milieu de tortures dont le récit fait passer dans l’âme des frissons d’effroi et de dégoût, et cela pour la plus grande gloire d’un Dieu de miséricorde et d’amour !
L’héroïque et chaste figure de Jeanne d’Arc, la grande Lorraine, montre que le commerce avec les Esprits peut donner des résultats aussi grandioses qu’inattendus. L’histoire de cette bergère chassant l’étranger de son pays, guidée par les puissances spirituelles, semblerait une merveilleuse fiction si l’histoire ne lui avait donné son inattaquable consécration.
Malgré toutes les persécutions, la tradition se conserve. On peut la suivre dans l’histoire avec les noms de Paracelse, Cornélius Agrippa, Swedenborg, Jacob Boehm, Martinez Pascalis, le comte de Saint Germain, saint Martin, etc. Parfois, les manifestations des Esprits étaient publiques et atteignaient un développement extraordinaire. Ce n’est pas sans étonnement qu’on lit les récits concernant les possédés de Loudun, les faits survenus à Morzine, les faits attribués aux trembleurs des Cévennes et aux crisiaques du cimetière de St-Médard ; mais cette revue nous entraînerait trop loin : elle a fait l’objet d’un recueil traité sous le titre L’obsession publié par Allan Kardec et réédité de nos jours.
Il suffit, en l’occurrence, d’avoir montré que de tout temps, l’évocation des morts a été pratiquée universellement et que ces phénomènes, qui nous apparaissent comme nouveaux, sont en réalité aussi vieux que le monde.
Aujourd’hui l’étude du mouvement spirite contemporain fait un distinguo entre évoquer et invoquer.
On n’évoque plus les morts, c’est-à-dire qu’on ne les dérange pas du lieu ou de la situation dans laquelle ils se trouvent.
On invoque, c’est-à-dire que par la prière, la pensée saine et dénuée de tout intérêt matériel, nous leur adressons, et dans des conditions bien déterminées, nos demandes de soutien et d’encouragement, avec l’autorisation divine de nous instruire et de nous informer sur le sens de la vie.
L’AVENEMENT DU SPIRITISME DANS
LES TEMPS MODERNES
Tout commença aux Etats-Unis avec les sœurs Fox. En 1847, la maison d’un nommé John Fox, demeurant à Hydesville petit village de l’état de New York, fut troublée par des manifestations étranges : des bruits inexplicables se faisaient entendre avec une telle intensité que rapidement le repos de la famille en fut troublé.
En dépit des plus minutieuses recherches, on ne put trouver l’auteur de ce tapage insolite ; mais bientôt on remarqua que la cause productrice semblait être intelligente. La plus jeune des filles de M. Fox, nommée Kate, se familiarisa très vite à l’invisible tapageur. Elle lui dit : « Fais comme moi » et elle frappa de sa petite main un certain nombre de coups que l’agent mystérieux répéta. Mme Fox lui dit : « Compte dix ». L’agent frappa dix fois. « Quel âge ont mes enfants ? ». La réponse fut correcte. A cette question « Etes-vous un homme, vous qui frappez ? » Aucune réponse ne vint ; mais à celle-ci : « Etes-vous un Esprit ? » Il fut répondu par des coups nets et rapides.
Des voisins appelés, furent témoins de ces phénomènes. Tous les moyens de surveillance furent pratiqués pour découvrir l’invisible correspondant, mais l’enquête de la famille et celle de tout le voisinage furent inutiles. On ne put découvrir de cause naturelle à ces singulières manifestations.
Les expériences se suivirent, nombreuses et précises. Les curieux, attirés par ces phénomènes nouveaux, ne se contentèrent pas de demandes et de réponses. L’un d’eux, nommé Isaac Post, eut l’idée de réciter à haute voix les lettres de l’alphabet, en priant l’Esprit de vouloir bien frapper un coup sur celles qui composaient les mots qu’il voulait faire comprendre. De ce jour, la télégraphie spirituelle était trouvée ; ce procédé fut celui qui sera appliqué aux tables tournantes, devenues obsolètes de nos jours dans les cercles spirites sérieux.
Voilà, dans toute sa simplicité, le début du phénomène qui devait révolutionner le monde.
Nié par les savants officiels, raillé par la presse des deux mondes, mis à l’index par des religions craintives et jalouses, suspect à la justice, exploité par des charlatans sans vergogne, le Spiritisme devait cependant faire son chemin et conquérir des adhérents, dont le chiffre s’élève aujourd’hui à plus de 20 millions répartis dans le monde entier, car il possède cette force inattaquable, impérissable : La Vérité.
Il répond à ces questions souvent mélancoliques : Qui suis-je ? D’où je viens ? Pourquoi suis-je sur terre ? Où vais-je ?
Les visiteurs remarquèrent que les phénomènes ne se produisaient qu’en présence des demoiselles Fox : on leur attribua un certain pouvoir qui fut appelé médiumnité.
L’Esprit qui se manifestait aux demoiselles Fox déclara se nommer Joseph Ryan et avoir été colporteur pendant sa vie terrestre. Il engagea les jeunes filles à donner des séances publiques dans lesquelles il convaincrait les incrédules de son existence.
La famille Fox alla se fixer à Rochester et, suivant les conseils de leur ami de l’espace, ces jeunes missionnaires n’hésitèrent pas à braver le fanatisme d’un pasteur méthodiste en proposant de se soumettre au plus rigoureux contrôle.
Eugène Nus dans son livre : Choses de notre monde a fort bien résumé les travaux spirites, et nous engageons ceux qui cherchent la Vérité à lire ce livre aussi spirituel que bien écrit.
Accusés d’imposteurs et sommés par les ministres de leur confession de renoncer à ces pratiques, M. et Mme Fox, se faisant un devoir suprême de propager la connaissance de ces phénomènes qu’ils considéraient comme une grande et consolante Vérité, utile pour tous, refusèrent de se soumettre et furent chassés de leur Eglise. Les adeptes qui se réunissaient autour d’eux furent frappés de la même réprobation.
C’est le plus bel exemple de ce qui fut dénoncé comme étant l’esprit clérical. Même si le bras séculier aujourd’hui n’est plus au pouvoir, il lui reste encore mille moyens de poursuivre ceux qui ne veulent pas s’incliner sous son joug.
Les conservateurs fanatiques de la foi des aïeux ameutèrent, contre la famille Fox, la masse populaire. Les apôtres de la foi nouvelle offrirent alors de faire la preuve publique de la réalité des manifestations devant la population réunie à Corynthial Hall, la plus grande salle de la ville. On commença par une conférence où furent exposés les progrès du phénomène depuis les premiers jours. Cette communication, accueillie par des huées, aboutit pourtant à la nomination d’une commission chargée d’examiner les faits ; contre l’attente générale et contre sa conviction propre, la commission fut forcée d’avouer qu’après l’examen le plus minutieux, elle n’avait pu découvrir aucune trace de fraude.
On nomma une seconde commission qui eut recours à des procédés d’investigation encore plus rigoureux. On fit fouiller et même déshabiller les médiums, par des dames bien entendu : toujours on entendit des rappings (coups frappés dans la table), des meubles furent mis en mouvement, des réponses à toutes les questions, même mentales furent données ; pas de ventriloquie, pas de subterfuge, pas de doute possible.
Second rapport plus favorable encore que le premier sur la parfaite bonne foi des spirites et la réalité de l’incroyable phénomène. Il est impossible, dit par exemple Mme Hardinge dans son livre Histoire du Spiritualisme américain de décrire l’indignation qui se manifesta à cette seconde déception.
Une troisième commission fut immédiatement choisie parmi les plus incrédules et les plus railleurs. Le résultat de ces investigations, encore plus outrageantes que les deux autres pour les pauvres jeunes filles, tourna plus que jamais à la confusion de leurs détracteurs.
Le bruit de l’insuccès de ce suprême examen avait transpiré dans la ville. La foule, exaspérée, convaincue de la trahison des commissaires et de leur connivence avec les imposteurs, avait déclaré que, si le rapport était favorable, elle lyncherait les médiums et leurs avocats.
Les jeunes filles, malgré leur terreur, escortées de leur famille et de quelques amis, ne se présentèrent pas moins à la réunion et prirent place sur l’estrade de la grande salle, tous décidés à périr s’il le fallait, martyrs d’une impopulaire mais indiscutable vérité.
La lecture du rapport fut faite par un membre de la commission qui avait juré de découvrir le truc, mais il dut avouer que la cause des coups frappés malgré les plus minutieuses recherches, lui était inconnue. Aussitôt eut lieu un tumulte effroyable : la populace voulut lyncher les jeunes sœurs Fox qui l’eussent été, sans l’intervention d’un quaker, nommé Georges Villet, qui leur fit un rempart de son corps et ramena la foule à des sentiments plus humains.
On voit par ce récit que le Spiritisme fut étudié sérieusement dès son début. Ce ne sont pas seulement des voisins plus ou moins ignorants qui constatent un fait inexplicable : ce sont des commissions régulièrement nommées qui, après enquêtes minutieuses, sont obligées de reconnaître l’authenticité absolue du phénomène.
La persécution a toujours pour résultat de faire des adeptes aux idées qu’elle combat. C’est pourquoi peu d’années après, en 1850, on comptait déjà plusieurs milliers de spirites aux Etats-Unis.
La presse, comme toujours, n’avait pas assez de sarcasmes contre la nouvelle doctrine. On riait des tables tournantes et des esprits frappeurs, et il n’était si mince écrivassier, si morne plumitif qui ne se tint pour autorisé à dauber sur ces illuminés qui croyaient sincèrement que l’âme de leur parent pouvait faire agir le pied d’un meuble.
Il faut dire, ici, que le phénomène avait pris un autre aspect. Les coups, au lieu de se produire dans les murs ou sur les planchers, se faisaient entendre maintenant dans des tables autour desquelles étaient réunis les expérimentateurs. Cette manière de procéder avait été indiquée par les Esprits eux-mêmes. On remarqua aussi qu’en mettant les mains sur la table, cette dernière était animée de certains mouvements de bascule, et on trouva dans ce fait un second moyen de communication. Il suffisait d’épeler les lettres de l’alphabet et le meuble frappait successivement sur chacune des lettres qui composaient le mot que l’Esprit voulait bien dicter.
La manie de faire tourner les tables se propagea rapidement. On peut difficilement se figurer aujourd’hui l’engouement dont ces expériences furent l’objet, pendant les années 1850 et 1851.
Toutes ces recherches eurent pour résultat d’amener à la nouvelle croyance des hommes d’une autorité morale et intellectuelle reconnue. Des écrivains, des orateurs, des magistrats, des révérends ministres prirent fait et cause pour la doctrine bafouée ; des missionnaires éloquents se mirent en voyage, des écrivains fondèrent des journaux, des brochures, des pamphlets répandus à profusion frappèrent à coups redoublés sur l’opinion publique et ébranlèrent les préventions.
Le mouvement s’accéléra si bien qu’en 1854 une pétition, revêtue de 15 000 signatures, fut adressée au Congrès siégeant à Washington ; elle avait pour but de faire nommer par le Congrès une commission chargée d’étudier les phénomènes nouveaux et d’en découvrir les lois. Cette pétition fut mise de côté, mais l’essor du Spiritisme n’en fut pas entravé, car les faits devenaient plus nombreux et plus variés, à mesure que l’étude en était poursuivie avec persévérance.
Le phénomène des tables tournantes fut bientôt connu dans toutes ses particularités. Ce mode de conversation, au moyen de coups frappés et de mouvements de bascule de la table, était long et incommode. Malgré l’habileté des assistants, il fallait beaucoup de temps, beaucoup de patience pour obtenir un message de quelque importance.
La table enseigna elle-même un procédé plus prompt. Sur ses indications, on adapta à une planchette triangulaire trois pieds munis de roulette, et à l’un d’eux on attacha un crayon, puis on mit l’appareil sur une feuille de papier, et le médium posa les mains sur le centre de cette petite table. On vit alors, le crayon tracer des lettres, puis des phrases et bientôt cette planchette écrivit avec rapidité et donna des messages.
Plus tard encore, on s’aperçut que la planchette était tout à fait inutile et qu’il suffisait au médium de poser simplement sa main armée d’un crayon sur le papier et que l’Esprit la faisait agir automatiquement. Ce genre de communication fut nommé écriture automatique ou mécanique, car le sujet, dans ce cas, n’a nulle conscience de ce que sa main trace sur le papier.
D’autres médiums obtinrent de cette manière des dessins curieux, de la musique, des dictées au-dessus de la portée de leur intelligence et parfois même des communications dans des langues étrangères qui leur étaient notoirement inconnues.
L’étude, de plus en plus approfondie de ces manifestations nouvelles, amena les chercheurs à des constatations encore plus étranges et plus inattendues des sceptiques.
Les raisonnements avaient conduit les premiers observateurs à se dire que, puisque les esprits pouvaient agir sur les tables, sur les médiums, il ne devait pas leur être impossible de faire mouvoir directement un crayon et d’écrire sans le secours des humains.
C’est ce qui eut lieu. Des feuilles de papier blanc, enfermées dans des boîtes parfaitement scellées furent trouvées ensuite couvertes d’écriture. Des ardoises entre lesquelles se trouvait une petite touche de crayon, contenaient, après l’apposition des mains du médium, des communications intelligentes, des dessins, etc.
Le phénomène réservait encore d’autres surprises. Des lumières de formes et de couleurs variées et de divers degrés d’intensité, apparaissaient dans des chambres sombres, où il n’existait aucune substance capable de développer une action chimique ou une illumination phosphorescente, et ce, en l’absence de tous les instruments par lesquels l’électricité est engendrée et la combustion produite.
Ces lueurs prenaient parfois l’apparence de mains humaines, de figures enveloppées d’un brouillard lumineux. Petit à petit, à mesure que le médium se développait, les apparitions acquirent une consistance plus grande et il fut possible non seulement de voir, mais de toucher les fantômes qui se produisaient dans de si singulières circonstances. On fit mieux : on put les photographier par la suite, ainsi que nous le verrons plus tard.
Les récits de ces expériences étaient accueillis par une incrédulité universelle ; mais comme les faits se reproduisaient en grand nombre, que les spirites ne reculaient devant aucun moyen de propager leur foi, l’attention du public scientifique et lettré se porta sur une étude et amena bientôt l’adhésion publique d’hommes compétents.
Les Scientifiques
En première ligne, nous pouvons citer une des personnalités les plus considérables de la magistrature, le Juge Edmond, Chief Justice de la Suprême Cour du district de New York, où il avait été élu membre des deux branches de la législature, et nommé Président du Sénat américain. Sa conversion au nouveau spiritualisme fit grand bruit dans l’Union et lui attira force invectives des feuilles évangéliques et des journaux profanes.
Le juge Edmonds y répondit par un livre intitulé : Spirit manifestation qui fit, aux Etats-Unis, une sensation profonde et, grâce au secours de quelques hommes de science, dont les expériences vinrent confirmer ses affirmations, les quinze mille signataires de la pétition adressée au Congrès virent leur nombre s’élever à plusieurs millions.
Voilà comment la conviction naquit dans l’âme du grand juriste américain :
« Le 23 avril 1851, dit-il, je fis partie de neuf personnes qui s’assirent autour d’une table placée au milieu de la chambre et sur laquelle était une lampe allumée. Une autre lampe était placée sur la cheminée. Bientôt à la vue de tous, la table fut enlevée au moins à 32 cm du parquet et secouée d’avant en arrière, aussi aisément que je pourrais secouer un gobelet dans ma main.
Quelques-uns de nous essayèrent de l’arrêter en employant toutes leurs forces, mais en vain. Alors, nous nous retirâmes tous loin de la table, et à la lumière des deux lampes, nous vîmes ce lourd meuble d’acajou suspendu en l’air.
Je résolus de poursuivre ces investigations, pensant que c’était une déception, et, décidé à éclairer le public ; mais, mes recherches m’amenèrent à un résultat opposé ».
Ce qu’il faut observer dans les témoignages apportés par les savants, c’est que tous ont entrepris des recherches sur le modern spiritualism (nom américain du Spiritisme) avec la ferme conviction que c’était une imposture, et avec le désir de guérir leurs contemporains de cette folie contagieuse.
« J’avais d’abord repoussé dédaigneusement ces choses » dit le professeur Magnes, qui enseignait la chimie à l’Académie Nationale des Etats-Unis, mais, quand je vis que quelques-uns de mes amis étaient complètement immergés dans la magie moderne, je résolus d’appliquer mon esprit à cette matière pour sauver des hommes qui, respectables et éclairés sur tous les autres points étaient sur celui-là, en train de courir tout droit à l’imbécillité ».
Le résultat de l’investigation du professeur Magne fut, comme pour le juge Edmonds, une immersion complète dans les eaux du Spiritisme.
Il en fut exactement de même pour l’un des savants les plus imminents des Etats-Unis, le Professeur Robert Hare, professeur à l’Université de Pensylvanie. Il commença ses recherches en 1853, époque où, selon ses propres paroles « il se sentit appelé, comme par un devoir envers ses semblables, à employer ce qu’il possédait d’influence pour essayer d’arrêter le flot montant de démence populaire qui, en dépit de la science et de la raison, se prononçait si opiniâtrement en faveur de cette grossière illusion appelée spiritualism.
Robert Hare eut connaissance des travaux de Faraday sur les tables tournantes, et crût que le savant chimiste en avait trouvé la véritable explication ; mais, en répétant ses expériences, il reconnut qu’elles étaient insuffisantes et s’ingénia, pour les compléter, à inventer des appareils nouveaux.
Il prit des billes de billard en cuivre, les plaça sur une plaque de zinc, fit poser les mains du médium sur les billes, et à son profond étonnement, la table remua. Alors, il fit plonger les mains du médium dans l’eau, de manière à n’avoir aucune communication avec la planche sur laquelle était placé le vase qui contenait le liquide, et, à sa grande stupéfaction, une force de dix-huit livres fut exercée sur la planche.
Non encore convaincu, il essaya un autre procédé : le long bout d’un levier placé sur une balance en spirale, avec un indicateur mobile et le poids marqué. La main du médium était posée sur le petit bout du levier, de façon qu’il lui fût impossible de faire pression vers le bas, et, qu’au contraire, sa pression, s’il en exerçait une, ne put produire que l’effet opposé, c’est-à-dire, soulever le long bout. Quel ne fut pas l’abasourdissement du célèbre professeur, lorsqu’il constata que le poids était augmenté de plusieurs livres sur la balance !
Nous verrons plus loin qu’en semblable occurrence, William Crookes, pour se mettre à l’abri d’une illusion des sens, construisit un appareil qui enregistrait automatiquement toutes les variations de poids de la balance.
Robert Hare, convaincu de l’existence d’une nouvelle force physique, s’exerçant dans des conditions encore peu connues, voulut s’assurer si une intelligence dirigeait cette manifestation.
Il adapta à une table, un disque contenant les lettres de l’alphabet, disposées de telle sorte que le médium ne put voir les lettres, le cadran où elles étaient rangées faisant face aux spectateurs placés à quelques centimètres de la table, à l’autre bord de laquelle se tenait le médium qui ne voyait le disque que par derrière.
Une aiguille mobile fixée au milieu du cadran devait indiquer successivement les lettres des mots dictés, complètement à l’insu du médium.
Tous ces détails se trouvent dans le livre publié en 1856 par le Docteur Hare : Experimental investigation of the spirit manifestation qui eut un succès retentissant et dont l’effet fut plus considérable encore que celui du juge Edmonds. On avait plus ici affaire à quelques jeunes filles obscures ou à des charlatans essayant de surprendre la bonne foi publique ; c’était la science officielle qui se prononçait par la bouche d’un de ses membres les plus autorisés.
Dès ce moment, la polémique s’engagea furieuse. Il y eut des lettres passionnées. Des savants prirent fait et cause contre la sorcellerie moderne, mais n’apportèrent aucune preuve que les expériences précitées eussent été mal faites : la victoire resta aux spiritualistes.
En somme, on le voit, les plus importantes recrues du Spiritisme se firent parmi les hommes qui avaient pris pour mission de le combattre. Nous ne saurions trop insister sur ce point, car la même chose eut lieu plus tard en Angleterre.
Les hommes de science de ces pays, soucieux de leur dignité, n’ont pas voulu reculer devant ce qu’ils considéraient comme une superstition populaire. Ils se mirent bravement à l’étude et, lorsque contrairement à leur attente, ils furent forcés de reconnaître la réalité des phénomènes, ils proclamèrent loyalement la vérité sans crainte de la raillerie et du sarcasme, armes ordinaires de l’ignorance de partis pris.
Un autre des premiers convertis parmi les grands noms américains, est Robert Dale Owen qui jouit à la fois d’une réputation de savant et d’une renommée spéciale d’écrivain dans la langue anglaise. Son dernier livre imprimé à Philadelphie en 1877, sous le titre original Foot-fallson the boundary of another world (Echos de pas sur la limite d’un autre monde) est plein d’idées élevées, d’aperçus ingénieux et d’instructives anecdotes.
Le mouvement ne s’est pas arrêté. Un éminent membre de la Société de Recherche Psychique, R.Hodgson, était résolu, lui aussi, à démasquer les fourberies des médiums.
Il y réussit pour quelques charlatans, mais il trouva son chemin de Damas chez Madame Piper, une remarquable médium à incorporation, qui le convainquit pleinement de la réalité des communications avec le monde invisible. Il en fit loyalement l’aveu et, cette volte-face d’un incrédule de la veille produisit encore une sensation profonde dans les classes cultivées des Etats-Unis.
Signalons aussi une autre recrue de premier ordre, celle de Monsieur Hyslop, Professeur à l’Université de Columbia, qui arriva à la conviction d’avoir été en rapport avec son père et son oncle décédés. Il poursuivit ses études méthodiques et sa grande autorité arriva à convaincre beaucoup de psychistes du Nouveau Monde.
La mouvance spirite est aujourd’hui importante aux Etats-Unis. Une Fédération spirite américaine a récemment été créée, réunissant tous les Centres spirites du pays dont les plus importants et les plus actifs, ceux de la Floride. Dans presque toutes les grandes villes, existent des sociétés qui ont pour but l’étude et la démonstration du Spiritisme. Des journaux sont publiés, dont le plus ancien est Banner of light paraissant à Boston. Dès 1909, on comptait d’après Russel Wallace, environ onze millions de spirites rien qu’aux Etats-Unis.
En Angleterre
C’est surtout en Angleterre que nous trouvons une pléiade d’hommes publics s’étant intéressés à l’étude des phénomènes spirites. En première ligne un témoignage éminent, celui de William Crookes. Il nous suffira de rappeler que c’est ce savant qui découvrit le thallium et la démonstration de l’existence de la matière radiante, autrement dit, de la radioactivité, entrevue par Faraday.
Cette voie nouvelle, ouverte aux investigations scientifiques, a dévoilé un horizon nouveau et grandiose à la spéculation contemporaine, et l’on peut dire que c’est l’une des plus grandioses découvertes du siècle. Un esprit aussi éminent ne s’aventure pas sur un terrain inconnu sans prendre toutes les précautions imaginables contre l’erreur ou la fraude. Ecoutons ce qu’il dit au sujet du spiritisme, dans un article publié par la Quartely Review.
« Le Spiritisme parle de corps pesant 50 ou 100 livres qui sont soulevés sans l’intervention de force connue ; mais le savant chimiste est accoutumé à faire usage d’une balance sensible à un poids si petit, qu’il en faudrait dix mille comme lui pour faire un grain. Il est donc fondé à demander que ce pouvoir, qui se dit guidé par une intelligence, qui élève jusqu’au plafond un corps pesant, fasse mouvoir, dans ces conditions déterminées, sa balance si délicatement équilibrée.
« Le Spiritisme parle de coups frappés dans les différentes parties d’une chambre, lorsque deux personnes, ou plus, sont tranquillement assises autour d’une table. L’expérimentateur scientifique a le droit de demander que ces coups se produisent sur la membrane tendue de son oscillographe.
« Le Spiritisme parle de chambres et de maisons secouées, même jusqu’à en être endommagées par un pouvoir surhumain. L’homme de science demande simplement qu’un pendule placé sous une cloche de verre et reposant sur une solide maçonnerie soit mis en vibration.
« Le Spiritisme parle de lourds objets d’ameublement se mouvant d’une chambre à l’autre sans l’action de l’homme. Mais le savant a construit des instruments qui diviseraient un pouce en un million de parties, et il est fondé à douter de l’exactitude des observations effectuées, si la même force est impuissante à faire mouvoir d’un simple degré l’indicateur de son instrument.
« Le Spiritisme parle de fleurs mouillées, de fraîche rosée, de fruits et même d’êtres vivants apportés au travers de solides murailles en briques. L’investigateur scientifique demande naturellement qu’un poids additionnel ne fût-ce que la millième partie d’un grain soit déposée sur un des plateaux de sa balance ; quand le plateau est fermé à clef et le chimiste demande qu’on introduise la millième partie d’un grain d’arsenic à travers les parois d’un tube de verre, dans lequel de l’eau pure est hermétiquement scellée.
« Le Spiritisme parle des manifestations d’une puissance équivalente à des milliers de livres et qui se produisent sans cause connue. L’homme de science qui croit fermement à la conservation de la force, et qui pense qu’elle ne se produit jamais sans un épuisement de quelque chose pour la remplacer, demande que lesdites manifestations se produisent dans un laboratoire où il pourra les peser, les mesurer, les soumettre à ses propres essais.
On voit avec quelle méfiance, quelles précautions, le savant chimiste avance dans son induction. Il ne veut accorder sa confiance qu’à la condition expresse que le phénomène se produira dans son laboratoire, sous son aile en quelque sorte, afin d’être bien sûr que nulle supercherie, nulle illusion n’influenceront les résultats qui pourront se produire : voilà la vraie sagesse. Combien nos savants français, qui nient a priori, sont loin de suivre son exemple !
Ces lignes que nous citons plus haut ont été écrites en 1870, mais en 1876, après quatre ans d’investigations tenaces, le grand physicien écrit :
« Je ne dis pas que cela est possible, je dis que cela est ».
La Société Dialectique de Londres, fondée en 1867, sous la présidence de Sir John Lubbock, et comptant au nombre de ses vice-présidents Thomas Henry Huxley, un des professeurs les plus savants de son époque et Monsieur Georges Henry Lewes, physiologiste éminent, décida dans sa séance du 6 janvier 1869 qu’un Comité serait nommé pour étudier les prétendus phénomènes du Spiritisme et en rendre compte à la Société. Le débat qui s’éleva au sujet de cette décision montra que la plupart des membres ne croyaient pas au Spiritisme et les journaux anglais accueillirent avec des cris de joie cette nomination d’un Comité qui, on le pensait, coulerait à fond le Modern Spiritualism autrement dit le Spiritisme.
A la profonde surprise du public anglais, la Commission, après dix-huit mois d’études, conclut en faveur de la réalité des manifestations.
Parmi les membres qui prirent part à cette enquête, était le grand naturaliste anglais Alfred Russel Wallace, émule et collaborateur de Darwin, et déjà lui, convaincu de la réalité des phénomènes. Comme Mapes, comme Hare et tant d’autres, Monsieur Wallace, vaincu par l’évidence, a fait courageusement sa profession de foi dans un livre : Miracles and modern spiritualism qui passionna toute l’Angleterre.
Au nombre des témoins entendus par le Comité de la Société Dialectique, figuraient Monsieur le Professeur Auguste de Morgan, Président de la Société mathématique de Londres, Secrétaire de la Société royale astronomique et Monsieur Varley, Ingénieur en Chef des Compagnies de télégraphies, inventeur du condensateur électrique, qui résolut définitivement le problème de la télégraphie sous-marine.
M. de Morgan s’est affirmé hautement par un livre : From matter to Spirit et nous verrons plus loin une lettre de M. Varley dans laquelle il rend en public hommage aux Esprits.
Un semblable concours de grands noms pourrait paraître suffisant pour établir solidement la théorie spirite, mais dans des matières aussi controversées, il ne faut pas craindre de multiplier les affirmations autorisées. Voici encore d’autres témoignages :
Sous le pseudonyme d’Oxon, le Révérend Stainton Moses étudia pendant cinq ans le phénomène dit de l’écriture directe, c’est-à-dire de l’écriture produite sans l’intervention d’aucune personne vivante. Il publia un livre intitulé Spirit Identity qui aura son utilité dans la discussion qui succèdera à cet exposé. Un autre homme éminent, Sergeant Cox, jurisconsulte, philosophe, écrivain qui, lui aussi arriva à cette conviction par l’examen des faits.
Rappelons de même que M. Barkas, membre de la Société de Géologie de Newcastle, raconta ses expériences dans un livre fort intéressant intitulé Outliness of investigations into modern spiritualism.
La lutte ne fut ni moins vive, ni moins ardente en Angleterre qu’aux Etats-Unis ; les adversaires du Spiritisme devaient, là aussi, faire tous leurs efforts pour détruire la vérité nouvelle ; mais dans ce pays de libre discussion, où la crainte du ridicule est moins vive que chez nous, les convertis ne reculèrent pas devant l’affirmation nette et carrée de leur changement de front.
Parmi les sceptiques les plus endurcis, se trouvait le Docteur Georges Sexton, célèbre conférencier qui avait fait une campagne des plus vives contre la nouvelle doctrine. L’étude attentive des faits l’amena après quinze années de recherche, à la conviction : « J’ai obtenu, dit-il, dans ma propre maison, en l’absence de tous médiums autres que des membres de ma famille et des amis, chez lesquels la faculté médiumnique avait été développée, la preuve irréfutable et de nature à frapper la froide raison, que les communications reçues venaient d’amis et de parents décédés » (Wallace : Les Miracles et le Modern Spiritualism).
Un autre savant, le Dr Chambers, longtemps adversaire déclaré du Spiritisme, fut obligé de se rendre à l’évidence et confessa loyalement son erreur passée dans le Spiritual Magazine.
Citons aussi en terminant, parmi les spirites illustres, le Docteur James Gully, auteur de Névropathie et Névrose et de L’hygiène dans les maladies chroniques qui fit autorité en Angleterre.
Comme on le voit, à ses débuts, le Spiritisme a surtout recruté ses adeptes parmi les hommes de science. Le côté relatif aux phénomènes a été étudié avec toute la rigueur qu’y apportent les savants, et il est sorti triomphant des épreuves multiples auxquelles il a été soumis.
Une société a vu le jour en Angleterre, en 1931, intitulée : Society for Psychical Research. Elle a ouvert une enquête sur les apparitions en publiant régulièrement le récit de ses travaux dans les proceedings et le journal de la société. Elle a édité un livre : Phantasm of the living (Fantômes de vivants) qui relate plus de sept cents cas d’apparitions bien constatées. MM. Myers, Gurney et Podmore, les auteurs attribuèrent ces phénomènes à ce qu’ils nomment la télépathie, c’est-à-dire à l’action à distance de l’Esprit d’un humain sur un autre humain. L’apparition se nomme alors une hallucination véridique. C’est là une tentative scientifique pour faire rentrer ces phénomènes dans le cadre des lois connues.
Cette investigation a eu pour résultat de donner un regain d’actualité et nous voyons des savants comme Lodge, surnommé le Darwin de la physique, adjurer à l’Association britannique pour l’Avancement des Sciences, ses confrères de marcher de l’avant et d’aborder résolument ces études si captivantes et encore si nouvelles. Ces phénomènes et ceux de la transe ont fini par convaincre l’illustre psychologue F.W.H. Myers de la réalité des rapports entre l’humanité terrestre et l’humanité désincarnée. Dans son livre La Personnalité humaine et sa Survivance après la mort il a fait une magnifique synthèse de l’action extracorporelle de l’âme et c’est une des plus brillantes conquêtes du Spiritisme qui a rallié déjà tant d’hommes éminents dans toutes les branches de la science. Nous mentionnerons parmi les nombreux journaux anglais The Light édité sous la Direction de Dawson Roggers et The Two worlds.
En France
Cet avènement qui débuta en Amérique, avec les sœurs Fox à Hydesville, suscita en France une curiosité des plus vives et bientôt, la vogue des tables tournantes atteignit un degré extraordinaire.
Dans les salons, la mode était d’interroger les guéridons pour les questions les plus futiles : c’était un passe-temps d’un goût nouveau et qui fit fureur.
Durant les années 1851 et 1852 chacun ne vit dans ces pratiques qu’un agréable divertissement, on ne prenait pas le phénomène au sérieux et comme on ignorait les remarquables travaux dont cette étude était l’objet de l’autre côté de l’océan, on ne tarda pas à délaisser les tables tournantes, qui n’avaient eu pour la masse que l’attrait de la nouveauté et l’étrangeté des procédés.
C’est un monsieur Jobert, de Lamballe, un certain jour qui fut illuminé par cette géniale trouvaille, et, l’Académie s’empressa de louer le perspicace savant qui avait découvert dans les mollets humains des propriétés aussi inattendues.