HISTORIQUE ET TEMOIGNAGES DE SAVANTS SUR DES TEXTES D’ALLAN KARDEC, LEON DENIS et GABRIEL DELANNE

Publié le par Union Spirite Française et Francophone

Toute vérité historique a son commencement et sa finalité. En ce qui concerne l’avènement du Spiritisme aussi vieux que le monde, nous disons que l’on peut commencer à tirer des preuves dans l’initiation antique dans les Vedas (1) également dans les phénomènes d’évocation chez les Egyptiens, les Hébreux, en Grèce avec les pythonisses, chez les Romains avec les tables tournantes, les dénommés sorciers du Moyen âge.

Les croyances à l’immortalité de l’âme et aux communications possibles entre les vivants et les désincarnés étaient générales parmi les peuples de l’Antiquité.

Cependant, à l’inverse de ce qui a lieu depuis Kar­dec, les pratiques par lesquelles on arrivait à entrer en rapport avec les âmes désincarnées, étaient l’apanage exclusif des prêtres qui avaient soigneu­sement accaparé ces cérémonies, non seulement pour s’en faire de lucratifs revenus pour maintenir le peuple dans une ignorance absolue sur le vérita­ble état de l’âme après la mort, mais aussi, pour re­vêtir à ses yeux un caractère sacré, puisque seuls ils pouvaient révéler les secrets de la tombe. Nous trouvons dans les plus antiques recueils religieux la preuve de ce que nous avançons.

Les annales de toutes les nations constatent que depuis les époques les plus reculées de l’histoire, l’évocation des Esprits était pratiquée par certains hommes qui en avaient fait une spécialité.

Le plus ancien code religieux que l’on connaisse, les Vedas, paru plusieurs milliers d’années avant Jé­sus Christ, relate l’existence des Esprits. Voici comment le grand législateur, Manou, s’exprime à ce sujet :
« Les Esprits des ancêtres, à l’état invisible, accompagnent certains Brahmanes invités (pour les cérémonies en commémoration des morts), sous une forme aérienne ; ils les suivent et prennent place à côté d’eux lorsqu’ils s’asseyent. »

Dans le texte de l’ancien Bhâgavata Purâna, on dit que longtemps avant qu’elles se dépouillent de leur enveloppe mortelle, les âmes qui n’ont pas pratiqué le bien, comme celles qui habitent les corps de San­naysis et des Vanaprastha – Anachorètes et Céno­bites acquièrent la faculté de converser avec les âmes qui les ont précédées dans l’Au-delà ; c’est le signe pour ces âmes que la série de leurs transmigra­tions sur la Terre est terminée.

De temps immémoriaux, les prêtres, initiés aux mystères, façonnent des individus, nommés fakirs, à l’évocation des Esprits et à l’obtention des phéno­mènes les plus remarquables du magnétisme.

Louis Jacolliot, dans son ouvrage Le Spiritisme dans le monde expose tout au long les théories des Hindous sur les Pitris : c’est-à-dire les Esprits vivant dans l’espace après la mort du corps.

Il résulte des recherches de cet auteur, que le se­cret de l’évocation des morts était réservé à ceux qui pouvaient réaliser quarante ans de noviciat et d’obéissance passive. L’initiation comprenait trois degrés :
Dans le premier, étaient formés tous les Brah­manes du culte vulgaire et les desservants des pa­godes chargés d’exploiter la crédulité de la foule. On leur apprenait à commenter les trois premiers livres des Vedas, à diriger les cérémonies, à accom­plir les sacrifices ; les Brahmanes du premier degré étaient en communion constante avec le peuple : ils étaient ses directeurs immédiats, ses Gourous.

Le deuxième degré comprenait les exorcistes, les devins, les prophètes, les évocateurs d’Esprits qui, à certains moments difficiles, étaient chargés d’agir sur l’imagination des masses, par des phéno­mènes surnaturels. Ils lisaient et commentaient l’Artharva-Veda, recueil de conjurations magiques.

Dans le troisième degré, les Brahmanes n’avaient plus de relations directes avec la foule. L’étude de toutes les forces physiques et naturelles de l’univers était leur seule occupation et, quand ils se manifes­taient au dehors, c’était toujours par des phénomè­nes terrifiants.
Ainsi depuis des temps immémoriaux, on se li­vrait en Chine à l’évocation des Esprits des ancê­tres. Le missionnaire jésuite Huc rapporte un grand nombre d’expériences qui ont pour but de faire communiquer les vivants et les morts. De nos jours, ces pratiques sont clarifiées et codifiées par les travaux d’Allan Kardec sous le nom de Spiri­tisme, néologisme inventé par Kardec pour le diffé­rencier sans l’opposer au mot spiritualisme.

Avec le temps et par suite de guerres qui forcèrent une partie de la population en Inde à émigrer, le se­cret des évocations se répandit dans toute l’Asie, et on retrouve chez les Egyptiens et les Hébreux la tradition qui leur vint de l’Inde.

Tous les historiens semblent d’accord pour ac­corder aux prêtres de l’ancienne Egypte les pou­voirs qui semblaient surnaturels ou mystérieux. Les magiciens des Pharaons accomplissent ces prodiges qui sont racontés dans la Bible, mais en laissant de côté ce qu’il peut y avoir de légendaire dans ces ré­cits : il est bien certain qu’ils évoquaient les morts puisque Moïse, leur disciple, défend formellement aux Hébreux de se livrer à ces pratiques :
« Que parmi vous personne n’use de sortilèges et d’enchantements ou n’interroge les morts pour apprendre la vérité » (Deutéronome).

Malgré cette interdiction, nous voyons Saül aller consulter la pythonisse d’Endor et, par son inter­médiaire, communiquer avec l’ombre de Samuel. C’est ce qu’on appelle de nos jours une matérialisa­tion.
Ces phénomènes qui se sont produits d’une façon magistrale et contrôlée par d’authentiques savants au cours du 19e siècle et au début du 20e siècle, se sont raréfiés de nos jours.

En dépit de l’interdiction de Moïse, il y eut tou­jours des chercheurs qui furent tentés par ces évo­cations mystérieuses ; ils se communiquaient les uns aux autres une doctrine secrète qu’ils nom­maient la Kabbale, mais en s’entourant de précau­tions et en faisant jurer à l’adepte un secret, inviola­ble pour le vulgaire.

Le Talmud dit : « Quiconque a été instruit de ce secret (l’évocation des morts) et le garde avec vigilance, dans un cœur pur, peut compter sur l’amour de Dieu et la faveur des hommes ; son nom inspire le respect, sa science ne craint pas l’oubli, et il se trouve l’héritier de deux mondes : celui où nous vivons maintenant, et le monde à venir ».

En Grèce, la croyance aux évocations était géné­rale. Les temples possédaient tous des femmes nommées pythonisses, chargées de rendre des oracles en évoquant les dieux. Parfois, le consultant désirait voir et parler lui-même à l’ombre désirée et, comme en Judée, on parvenait à le mettre en com­munication avec l’être qu’il voulait interroger.

Homère, dans l’Odyssée, décrit minutieusement par quelles cérémonies Ulysse peut converser avec l’ombre du divin Thérésias. Ce cas n’est pas isolé et ces pratiques étaient fréquemment employées par ceux qui désiraient entrer en relation avec les âmes des parents ou amis qu’ils avaient perdus.

Apollonios de Thyane, savant philosophe, pytha­goricien et thaumaturge d’une grande puissance, possédait des connaissances très étendues sur ce qu’on appelait les sciences occultes ; sa vie four­mille de faits extraordinaires ; il croyait fermement aux Esprits et à leurs communications possibles avec les vivants.

Chez les Romains, les pratiques d’évocations étaient excessivement répandues et, depuis la fon­dation de l’empire, le peuple ajoutait la plus grande foi aux oracles. Les sibylles romaines, évoquant les morts, interrogeant les Esprits, sont sans cesse consultées par les généraux et nulle entreprise, un peu importante, n’est décidée sans qu’on ait au pré­alable pris l’avis de ces prêtresses.

Il arriva en Italie ce qui avait lieu dans l’Inde, en Egypte et chez les Hébreux : le privilège d’évoquer les Esprits, primitivement réservé aux membres de la classe sacerdotale, se répandait peu à peu dans le peuple, car si nous en croyons Tertullien Dr de l’Eglise (160-240) le Spiritisme s’exerçait chez les Anciens par les mêmes moyens qu’aujourd’hui.

« S’il est donné, dit-il, à des magiciens de faire apparaître des fantômes, d’évoquer les âmes des morts, de pouvoir forcer la bouche des en­fants à rendre des oracles, si ces charlatans contrefont un grand nombre de miracles, s’ils envoient des songes, s’ils ont à leurs ordres des Esprits messagers et des démons, par la vertu desquels les chèvres et les tables qui prophéti­sent sont un fait vulgaire, avec quel redouble­ment de zèle ces Esprits puissants ne s’efforcent-ils pas de faire, pour leur propre compte, ce qu’ils font pour le service d’autrui ». (Tertullien. Apologétique. 23)

A l’appui des affirmations de Tertullien, on peut citer un passage d’Ammien Marcellin, au sujet de Patricus et d’Hilarius traduits devant un tribunal romain pour crime de magie, qui se défendirent en racontant qu’ils avaient fabriqué, avec des mor­ceaux de laurier, une petite table (mensulan) sur la­quelle ils avaient placé un bassin circulaire fait de plusieurs métaux et contenant un alphabet gravé sur les bords.

Alors, un homme vêtu de lin, après avoir récité une formule et fait une évocation au dieu de la di­vination, tenait suspendu au-dessus du bassin un anneau de fil de lin très fin et consacré par des moyens mystérieux. Que l’anneau, sautant successi­vement, mais sans confusion sur plusieurs des let­tres gravées et s’arrêtant sur chacune, formait des vers parfaitement réguliers qui étaient les réponses aux questions posées.

Hilarius ajouta qu’un jour, il avait demandé qui suc­cèderait à l’empereur actuel et l’anneau ayant sauté, donna les syllabes « théo ». Il n’en demanda pas davantage, persuadé que ce serait Théodore.
Mais les faits, dit Ammien Marcellin, démentirent plus tard les magiciens, mais non la prédiction, car ce fut Théodose.

La défense d’évoquer les morts, que nous voyons édictée par Moïse, fut générale dans l’Antiquité.
Le pouvoir théocratique et le pouvoir civil étaient trop intimement liés pour que cette prescription ne fût pas sévèrement observée. Il ne fallait pas que les âmes des morts vinssent contredire l’enseignement officiel des prêtres et porter la perturbation chez les hommes, en leur faisant connaître la vérité. Ainsi, l’Eglise catholique, qui plus que toute autre, a be­soin d’une foi aveugle, sentit la nécessité de com­battre ces détestables pratiques, et nous voyons pendant le Moyen Age des milliers de victimes brûlées sans pitié, sous le nom de sorciers et de magiciens, pour avoir évoqué les Esprits.

Quelle sombre époque que celle où les Bodius, les Delancre, les Del-Rio, s’acharnaient sur les chairs pantelantes des victimes pour y chercher la marque du prétendu diable ! Combien de misérables hallu­cinés périrent au milieu de tortures dont le récit fait passer dans l’âme des frissons d’effroi et de dé­goût, et cela pour la plus grande gloire d’un Dieu de miséricorde et d’amour !

L’héroïque et chaste figure de Jeanne d’Arc, la grande Lorraine, montre que le commerce avec les Esprits peut donner des résultats aussi grandioses qu’inattendus. L’histoire de cette bergère chassant l’étranger de son pays, guidée par les puissances spirituelles, semblerait une merveilleuse fiction si l’histoire ne lui avait donné son inattaquable consé­cration.

Malgré toutes les persécu­tions, la tradition se conserve. On peut la suivre dans l’histoire avec les noms de Pa­racelse, Cornélius Agrippa, Sweden­borg, Jacob Boehm, Martinez Pascalis, le comte de Saint Germain, saint Martin, etc. Parfois, les mani­festations des Esprits étaient publiques et attei­gnaient un développement extraordinaire. Ce n’est pas sans étonnement qu’on lit les récits concernant les possédés de Loudun, les faits surve­nus à Mor­zine, les faits attribués aux trembleurs des Cévennes et aux crisiaques du cimetière de St-Mé­dard ; mais cette revue nous entraînerait trop loin : elle a fait l’objet d’un recueil traité sous le titre L’obsession publié par Allan Kardec et réédité de nos jours.

Il suffit, en l’occurrence, d’avoir montré que de tout temps, l’évocation des morts a été pratiquée univer­sellement et que ces phénomènes, qui nous appa­raissent comme nouveaux, sont en réalité aussi vieux que le monde.

Aujourd’hui l’étude du mouvement spirite contemporain fait un distinguo entre évoquer et invoquer.
On n’évoque plus les morts, c’est-à-dire qu’on ne les dérange pas du lieu ou de la situation dans laquelle ils se trouvent.

On invoque, c’est-à-dire que par la prière, la pensée saine et dénuée de tout intérêt matériel, nous leur adressons, et dans des conditions bien déterminées, nos demandes de soutien et d’encouragement, avec l’autorisation divine de nous instruire et de nous informer sur le sens de la vie.

L’AVENEMENT DU SPIRITISME DANS
LES TEMPS MODERNES

Tout commença aux Etats-Unis avec les sœurs Fox. En 1847, la maison d’un nommé John Fox, demeurant à Hydesville petit village de l’état de New York, fut troublée par des manifestations étranges : des bruits inexplicables se faisaient en­tendre avec une telle intensité que rapidement le repos de la famille en fut troublé.

En dépit des plus minutieuses recherches, on ne put trouver l’auteur de ce tapage insolite ; mais bientôt on remarqua que la cause pro­ductrice sem­blait être intelligente. La plus jeune des filles de M. Fox, nommée Kate, se familiarisa très vite à l’invisible tapageur. Elle lui dit : « Fais comme moi » et elle frappa de sa petite main un certain nombre de coups que l’agent mys­térieux répéta. Mme Fox lui dit : « Compte dix ». L’agent frappa dix fois. « Quel âge ont mes en­fants ? ». La réponse fut correcte. A cette question « Etes-vous un homme, vous qui frappez ? » Au­cune réponse ne vint ; mais à celle-ci : « Etes-vous un Esprit ? » Il fut répondu par des coups nets et rapides.

Des voisins appelés, furent témoins de ces phé­nomènes. Tous les moyens de surveillance furent pratiqués pour découvrir l’invisible correspondant, mais l’enquête de la famille et celle de tout le voisi­nage furent inutiles. On ne put découvrir de cause naturelle à ces singulières manifestations.

Les expériences se suivi­rent, nombreuses et préci­ses. Les curieux, attirés par ces phénomènes nou­veaux, ne se contentè­rent pas de demandes et de réponses. L’un d’eux, nommé Isaac Post, eut l’idée de ré­citer à haute voix les lettres de l’alphabet, en priant l’Esprit de vouloir bien frapper un coup sur celles qui compo­saient les mots qu’il voulait faire com­prendre. De ce jour, la télégraphie spiri­tuelle était trouvée ; ce procédé fut celui qui sera appliqué aux tables tournantes, de­venues obsolètes de nos jours dans les cercles spirites sérieux.

Voilà, dans toute sa simplicité, le début du phé­nomène qui devait révolutionner le monde.

Nié par les savants officiels, raillé par la presse des deux mondes, mis à l’index par des religions crain­tives et jalouses, suspect à la justice, exploité par des charlatans sans vergogne, le Spiritisme devait cepen­dant faire son chemin et conquérir des adhé­rents, dont le chiffre s’élève aujourd’hui à plus de 20 millions répartis dans le monde entier, car il pos­sède cette force inattaquable, impérissable : La Vérité.

Il répond à ces ques­tions souvent mélan­coliques : Qui suis-je ? D’où je viens ? Pourquoi suis-je sur terre ? Où vais-je ?
Les visiteurs remarquèrent que les phénomènes ne se produisaient qu’en présence des demoiselles Fox : on leur attri­bua un certain pouvoir qui fut appelé médiumnité.

L’Esprit qui se manifestait aux demoiselles Fox déclara se nommer Joseph Ryan et avoir été col­porteur pendant sa vie terrestre. Il engagea les jeu­nes filles à donner des séances publiques dans les­quelles il convaincrait les incrédules de son exis­tence.

La famille Fox alla se fixer à Rochester et, suivant les conseils de leur ami de l’espace, ces jeunes mis­sionnaires n’hésitèrent pas à braver le fanatisme d’un pasteur méthodiste en proposant de se sou­mettre au plus rigou­reux contrôle.

Eugène Nus dans son livre : Choses de notre monde a fort bien résumé les travaux spirites, et nous engageons ceux qui cherchent la Vérité à lire ce li­vre aussi spirituel que bien écrit.

Accusés d’imposteurs et sommés par les ministres de leur confession de renoncer à ces pratiques, M. et Mme Fox, se faisant un devoir suprême de pro­pager la connaissance de ces phénomènes qu’ils considéraient comme une grande et consolante Vé­rité, utile pour tous, refusèrent de se soumettre et furent chassés de leur Eglise. Les adeptes qui se ré­unissaient autour d’eux furent frappés de la même réprobation.

C’est le plus bel exem­ple de ce qui fut dé­noncé comme étant l’esprit clérical. Même si le bras sécu­lier aujourd’hui n’est plus au pouvoir, il lui reste en­core mille moyens de poursuivre ceux qui ne veu­lent pas s’incliner sous son joug.

Les conservateurs fanatiques de la foi des aïeux ameutèrent, contre la famille Fox, la masse popu­laire. Les apôtres de la foi nouvelle offri­rent alors de faire la preuve publique de la réalité des mani­festations devant la population réunie à Corynthial Hall, la plus grande salle de la ville. On commença par une conférence où furent exposés les progrès du phénomène de­puis les premiers jours. Cette communication, accueillie par des huées, aboutit pourtant à la nomination d’une commission chargée d’examiner les faits ; contre l’attente générale et contre sa conviction propre, la commission fut for­cée d’avouer qu’après l’examen le plus mi­nutieux, elle n’avait pu découvrir aucune trace de fraude.

On nomma une se­conde commis­sion qui eut re­cours à des pro­cédés d’investigation encore plus rigou­reux. On fit fouiller et même dés­habiller les médiums, par des dames bien entendu : toujours on entendit des rappings (coups frappés dans la table), des meubles furent mis en mouvement, des réponses à toutes les questions, même mentales furent données ; pas de ventriloquie, pas de subterfuge, pas de doute possi­ble.

Second rapport plus favorable encore que le pre­mier sur la parfaite bonne foi des spirites et la ré­alité de l’incroyable phénomène. Il est impossible, dit par exemple Mme Hardinge dans son livre Histoire du Spiritualisme américain de décrire l’indignation qui se manifesta à cette seconde dé­ception.

Une troisième commission fut immédiatement choisie parmi les plus incrédules et les plus railleurs. Le résultat de ces investigations, encore plus outra­geantes que les deux autres pour les pauvres jeunes filles, tourna plus que jamais à la confusion de leurs détracteurs.

Le bruit de l’insuccès de ce suprême examen avait transpiré dans la ville. La foule, exaspérée, convain­cue de la trahison des commissaires et de leur connivence avec les imposteurs, avait déclaré que, si le rapport était favorable, elle lyncherait les mé­diums et leurs avocats.

Les jeunes filles, malgré leur terreur, escortées de leur famille et de quelques amis, ne se présentèrent pas moins à la réunion et prirent place sur l’estrade de la grande salle, tous décidés à périr s’il le fallait, martyrs d’une impopulaire mais indiscutable vérité.

La lecture du rapport fut faite par un membre de la commission qui avait juré de découvrir le truc, mais il dut avouer que la cause des coups frappés malgré les plus minutieuses recherches, lui était in­connue. Aussitôt eut lieu un tumulte effroyable : la populace voulut lyncher les jeunes sœurs Fox qui l’eussent été, sans l’intervention d’un quaker, nommé Georges Villet, qui leur fit un rempart de son corps et ramena la foule à des sentiments plus humains.

On voit par ce récit que le Spiritisme fut étudié sérieusement dès son début. Ce ne sont pas seule­ment des voisins plus ou moins ignorants qui constatent un fait inexplicable : ce sont des com­missions régulièrement nommées qui, après en­quêtes minutieuses, sont obligées de reconnaître l’authenticité absolue du phénomène.

La persécution a toujours pour résultat de faire des adeptes aux idées qu’elle combat. C’est pour­quoi peu d’années après, en 1850, on comptait déjà plusieurs milliers de spirites aux Etats-Unis.

La presse, comme toujours, n’avait pas assez de sarcasmes contre la nouvelle doctrine. On riait des tables tournantes et des esprits frappeurs, et il n’était si mince écrivassier, si morne plumitif qui ne se tint pour autorisé à dauber sur ces illuminés qui croyaient sincèrement que l’âme de leur parent pouvait faire agir le pied d’un meuble.

Il faut dire, ici, que le phénomène avait pris un autre aspect. Les coups, au lieu de se produire dans les murs ou sur les planchers, se faisaient entendre maintenant dans des tables autour desquelles étaient réunis les expérimentateurs. Cette manière de procéder avait été indiquée par les Esprits eux-mêmes. On remarqua aussi qu’en mettant les mains sur la table, cette dernière était animée de certains mouvements de bascule, et on trouva dans ce fait un second moyen de communication. Il suffisait d’épeler les lettres de l’alphabet et le meuble frap­pait successivement sur chacune des lettres qui composaient le mot que l’Esprit voulait bien dicter.

La manie de faire tourner les tables se propagea rapidement. On peut difficilement se figurer au­jourd’hui l’engouement dont ces expériences furent l’objet, pendant les années 1850 et 1851.

Toutes ces recherches eurent pour résultat d’amener à la nouvelle croyance des hommes d’une autorité morale et intellectuelle reconnue. Des écri­vains, des orateurs, des magistrats, des révérends ministres prirent fait et cause pour la doctrine ba­fouée ; des missionnaires éloquents se mirent en voyage, des écrivains fondèrent des journaux, des brochures, des pamphlets répandus à profusion frappèrent à coups redoublés sur l’opinion publique et ébranlèrent les préventions.

Le mouvement s’accéléra si bien qu’en 1854 une pétition, revêtue de 15 000 signatures, fut adressée au Congrès siégeant à Washington ; elle avait pour but de faire nommer par le Congrès une commis­sion chargée d’étudier les phénomènes nouveaux et d’en découvrir les lois. Cette pétition fut mise de côté, mais l’essor du Spiritisme n’en fut pas entravé, car les faits devenaient plus nombreux et plus va­riés, à mesure que l’étude en était poursuivie avec persévérance.

Le phénomène des tables tournantes fut bientôt connu dans toutes ses particularités. Ce mode de conversation, au moyen de coups frappés et de mouvements de bascule de la table, était long et in­commode. Malgré l’habileté des assistants, il fallait beaucoup de temps, beaucoup de patience pour obtenir un message de quelque importance.

La table enseigna elle-même un procédé plus prompt. Sur ses indications, on adapta à une plan­chette triangulaire trois pieds munis de roulette, et à l’un d’eux on attacha un crayon, puis on mit l’appareil sur une feuille de papier, et le médium posa les mains sur le centre de cette petite table. On vit alors, le crayon tracer des lettres, puis des phra­ses et bientôt cette planchette écrivit avec rapidité et donna des messages.

Plus tard encore, on s’aperçut que la planchette était tout à fait inutile et qu’il suffisait au médium de poser simplement sa main armée d’un crayon sur le papier et que l’Esprit la faisait agir automati­quement. Ce genre de communication fut nommé écriture automatique ou mécanique, car le sujet, dans ce cas, n’a nulle conscience de ce que sa main trace sur le papier.

D’autres médiums obtinrent de cette manière des dessins curieux, de la musique, des dictées au-des­sus de la portée de leur intelligence et parfois même des communications dans des langues étrangères qui leur étaient notoirement inconnues.

L’étude, de plus en plus approfondie de ces mani­festations nouvelles, amena les chercheurs à des constatations encore plus étranges et plus inatten­dues des sceptiques.

Les raisonnements avaient conduit les premiers observateurs à se dire que, puisque les esprits pou­vaient agir sur les tables, sur les médiums, il ne de­vait pas leur être impossible de faire mouvoir di­rectement un crayon et d’écrire sans le secours des humains.

C’est ce qui eut lieu. Des feuilles de papier blanc, enfermées dans des boîtes parfaitement scellées fu­rent trouvées ensuite couvertes d’écriture. Des ar­doises entre lesquelles se trouvait une petite touche de crayon, contenaient, après l’apposition des mains du médium, des communications intelligentes, des dessins, etc.

Le phénomène réservait encore d’autres surprises. Des lumières de formes et de couleurs variées et de divers degrés d’intensité, apparaissaient dans des chambres sombres, où il n’existait aucune subs­tance capable de développer une action chimique ou une illumination phosphorescente, et ce, en l’absence de tous les instruments par lesquels l’électricité est engendrée et la combustion pro­duite.

Ces lueurs prenaient parfois l’apparence de mains humaines, de figures enveloppées d’un brouillard lumineux. Petit à petit, à mesure que le médium se développait, les apparitions acquirent une consis­tance plus grande et il fut possible non seulement de voir, mais de toucher les fantômes qui se pro­duisaient dans de si singulières circonstances. On fit mieux : on put les photographier par la suite, ainsi que nous le verrons plus tard.

Les récits de ces expériences étaient accueillis par une incrédulité universelle ; mais comme les faits se reproduisaient en grand nombre, que les spirites ne reculaient devant aucun moyen de propager leur foi, l’attention du public scientifique et lettré se porta sur une étude et amena bientôt l’adhésion publique d’hommes compétents.

Les Scientifiques

En première ligne, nous pouvons citer une des personnalités les plus considérables de la magistra­ture, le Juge Edmond, Chief Justice de la Suprême Cour du district de New York, où il avait été élu membre des deux branches de la législature, et nommé Président du Sénat américain. Sa conver­sion au nouveau spiritualisme fit grand bruit dans l’Union et lui attira force invectives des feuilles évangéliques et des journaux profanes.

Le juge Edmonds y répondit par un livre intitulé : Spirit manifestation qui fit, aux Etats-Unis, une sensation profonde et, grâce au secours de quelques hommes de science, dont les expériences vinrent confirmer ses affirmations, les quinze mille signatai­res de la pétition adressée au Congrès virent leur nombre s’élever à plusieurs millions.

Voilà comment la conviction naquit dans l’âme du grand juriste américain :

« Le 23 avril 1851, dit-il, je fis partie de neuf personnes qui s’assirent autour d’une table placée au milieu de la chambre et sur laquelle était une lampe allumée. Une autre lampe était placée sur la cheminée. Bientôt à la vue de tous, la table fut enlevée au moins à 32 cm du parquet et secouée d’avant en arrière, aussi ai­sément que je pourrais secouer un gobelet dans ma main.

Quelques-uns de nous essayèrent de l’arrêter en employant toutes leurs forces, mais en vain. Alors, nous nous retirâmes tous loin de la table, et à la lumière des deux lampes, nous vîmes ce lourd meuble d’acajou suspendu en l’air.

Je résolus de poursuivre ces investigations, pensant que c’était une déception, et, décidé à éclairer le public ; mais, mes recherches m’amenèrent à un résultat opposé ».

Ce qu’il faut observer dans les témoignages ap­portés par les savants, c’est que tous ont entrepris des recherches sur le modern spiritualism (nom améri­cain du Spiritisme) avec la ferme conviction que c’était une imposture, et avec le désir de guérir leurs contemporains de cette folie contagieuse.

« J’avais d’abord repoussé dédaigneusement ces choses » dit le professeur Magnes, qui en­sei­gnait la chimie à l’Académie Nationale des Etats-Unis, mais, quand je vis que quelques-uns de mes amis étaient complètement immer­gés dans la magie moderne, je résolus d’appliquer mon esprit à cette matière pour sauver des hommes qui, respectables et éclai­rés sur tous les autres points étaient sur celui-là, en train de courir tout droit à l’imbécillité ».

Le résultat de l’investigation du professeur Magne fut, comme pour le juge Edmonds, une immersion complète dans les eaux du Spiritisme.

Il en fut exactement de même pour l’un des sa­vants les plus imminents des Etats-Unis, le Profes­seur Robert Hare, professeur à l’Université de Pen­sylvanie. Il commença ses recherches en 1853, épo­que où, selon ses propres paroles « il se sentit ap­pelé, comme par un devoir envers ses semblables, à employer ce qu’il possédait d’influence pour essayer d’arrêter le flot montant de démence populaire qui, en dépit de la science et de la raison, se prononçait si opiniâtrement en faveur de cette grossière illu­sion appelée spiritualism.

Robert Hare eut connaissance des travaux de Fa­raday sur les tables tournantes, et crût que le savant chimiste en avait trouvé la véritable explication ; mais, en répétant ses expériences, il reconnut qu’elles étaient insuffisantes et s’ingénia, pour les compléter, à inventer des appareils nouveaux.

Il prit des billes de billard en cuivre, les plaça sur une plaque de zinc, fit poser les mains du médium sur les billes, et à son profond étonnement, la table remua. Alors, il fit plonger les mains du médium dans l’eau, de manière à n’avoir aucune communi­cation avec la planche sur laquelle était placé le vase qui contenait le liquide, et, à sa grande stupéfaction, une force de dix-huit livres fut exercée sur la plan­che.

Non encore convaincu, il essaya un autre pro­cédé : le long bout d’un levier placé sur une balance en spirale, avec un indicateur mobile et le poids marqué. La main du médium était posée sur le petit bout du levier, de façon qu’il lui fût impossible de faire pression vers le bas, et, qu’au contraire, sa pression, s’il en exerçait une, ne put produire que l’effet opposé, c’est-à-dire, soulever le long bout. Quel ne fut pas l’abasourdissement du célèbre pro­fesseur, lorsqu’il constata que le poids était aug­menté de plusieurs livres sur la balance !

Nous verrons plus loin qu’en semblable occur­rence, William Crookes, pour se mettre à l’abri d’une illusion des sens, construisit un appareil qui enregistrait automatiquement toutes les variations de poids de la balance.

Robert Hare, convaincu de l’existence d’une nou­velle force physique, s’exerçant dans des conditions encore peu connues, voulut s’assurer si une intelli­gence dirigeait cette manifestation.

Il adapta à une table, un disque contenant les let­tres de l’alphabet, disposées de telle sorte que le médium ne put voir les lettres, le cadran où elles étaient rangées faisant face aux spectateurs placés à quelques centimètres de la table, à l’autre bord de laquelle se tenait le médium qui ne voyait le disque que par derrière.

Une aiguille mobile fixée au milieu du cadran de­vait indiquer successivement les lettres des mots dictés, complètement à l’insu du médium.

Tous ces détails se trouvent dans le livre publié en 1856 par le Docteur Hare : Experimental inves­ti­gation of the spirit manifestation qui eut un suc­cès retentissant et dont l’effet fut plus considé­rable encore que celui du juge Edmonds. On avait plus ici affaire à quelques jeunes filles obscures ou à des charlatans essayant de surprendre la bonne foi pu­blique ; c’était la science officielle qui se pronon­çait par la bouche d’un de ses membres les plus autori­sés.

Dès ce moment, la polémique s’engagea furieuse. Il y eut des lettres passionnées. Des savants prirent fait et cause contre la sorcellerie moderne, mais n’apportèrent aucune preuve que les expériences précitées eussent été mal faites : la victoire resta aux spiritualistes.

En somme, on le voit, les plus importantes re­crues du Spiritisme se firent parmi les hommes qui avaient pris pour mission de le combattre. Nous ne saurions trop insister sur ce point, car la même chose eut lieu plus tard en Angleterre.

Les hommes de science de ces pays, soucieux de leur dignité, n’ont pas voulu reculer devant ce qu’ils considéraient comme une superstition populaire. Ils se mirent bravement à l’étude et, lorsque contrai­rement à leur attente, ils furent forcés de reconnaî­tre la réalité des phénomènes, ils proclamèrent loyalement la vérité sans crainte de la raillerie et du sarcasme, armes ordinaires de l’ignorance de partis pris.

Un autre des premiers convertis parmi les grands noms américains, est Robert Dale Owen qui jouit à la fois d’une réputation de savant et d’une renom­mée spéciale d’écrivain dans la langue anglaise. Son dernier livre imprimé à Philadelphie en 1877, sous le titre original Foot-fallson the boundary of another world (Echos de pas sur la limite d’un autre monde) est plein d’idées élevées, d’aperçus ingénieux et d’instructives anecdotes.

Le mouvement ne s’est pas arrêté. Un éminent membre de la Société de Recherche Psychique, R.Hodgson, était résolu, lui aussi, à démasquer les fourberies des médiums.

Il y réussit pour quelques charlatans, mais il trouva son chemin de Damas chez Madame Piper, une remarquable médium à incorporation, qui le convainquit pleinement de la réalité des communi­cations avec le monde invisible. Il en fit loyalement l’aveu et, cette volte-face d’un incrédule de la veille produisit encore une sensation profonde dans les classes cultivées des Etats-Unis.

Signalons aussi une autre recrue de premier ordre, celle de Monsieur Hyslop, Professeur à l’Université de Columbia, qui arriva à la conviction d’avoir été en rapport avec son père et son oncle décédés. Il poursuivit ses études méthodiques et sa grande au­torité arriva à convaincre beaucoup de psychistes du Nouveau Monde.

La mouvance spirite est aujourd’hui importante aux Etats-Unis. Une Fédération spirite américaine a récemment été créée, réunissant tous les Centres spirites du pays dont les plus importants et les plus actifs, ceux de la Floride. Dans presque toutes les grandes villes, existent des sociétés qui ont pour but l’étude et la démonstration du Spiritisme. Des jour­naux sont publiés, dont le plus ancien est Banner of light paraissant à Boston. Dès 1909, on comp­tait d’après Russel Wallace, environ onze mil­lions de spirites rien qu’aux Etats-Unis.

En Angleterre

C’est surtout en Angleterre que nous trouvons une pléiade d’hommes publics s’étant intéressés à l’étude des phénomènes spirites. En première ligne un témoignage éminent, celui de William Crookes. Il nous suffira de rappeler que c’est ce savant qui découvrit le thallium et la démonstration de l’existence de la matière radiante, autrement dit, de la radioactivité, entrevue par Faraday.

Cette voie nouvelle, ouverte aux investigations scientifiques, a dévoilé un horizon nouveau et grandiose à la spéculation contemporaine, et l’on peut dire que c’est l’une des plus grandioses décou­vertes du siècle. Un esprit aussi éminent ne s’aventure pas sur un terrain inconnu sans prendre toutes les précautions imaginables contre l’erreur ou la fraude. Ecoutons ce qu’il dit au sujet du spiri­tisme, dans un article publié par la Quartely Re­view.

« Le Spiritisme parle de corps pesant 50 ou 100 livres qui sont soulevés sans l’intervention de force connue ; mais le savant chimiste est accoutumé à faire usage d’une balance sensible à un poids si petit, qu’il en faudrait dix mille comme lui pour faire un grain. Il est donc fondé à demander que ce pouvoir, qui se dit guidé par une intelligence, qui élève jusqu’au plafond un corps pesant, fasse mouvoir, dans ces conditions déterminées, sa balance si déli­catement équilibrée.

« Le Spiritisme parle de coups frappés dans les différentes parties d’une chambre, lorsque deux personnes, ou plus, sont tranquillement assises autour d’une table. L’expérimentateur scientifique a le droit de demander que ces coups se produisent sur la membrane tendue de son oscillographe.

« Le Spiritisme parle de chambres et de mai­sons secouées, même jusqu’à en être endom­magées par un pouvoir surhumain. L’homme de science demande simplement qu’un pen­dule placé sous une cloche de verre et reposant sur une solide maçonnerie soit mis en vibra­tion.

« Le Spiritisme parle de lourds objets d’ameublement se mouvant d’une chambre à l’autre sans l’action de l’homme. Mais le savant a construit des instruments qui diviseraient un pouce en un million de parties, et il est fondé à douter de l’exactitude des observations effec­tuées, si la même force est impuissante à faire mouvoir d’un simple degré l’indicateur de son instrument.

« Le Spiritisme parle de fleurs mouillées, de fraîche rosée, de fruits et même d’êtres vivants apportés au travers de solides murailles en bri­ques. L’investigateur scientifique demande naturellement qu’un poids additionnel ne fût-ce que la millième partie d’un grain soit dépo­sée sur un des plateaux de sa balance ; quand le plateau est fermé à clef et le chimiste de­mande qu’on introduise la millième partie d’un grain d’arsenic à travers les parois d’un tube de verre, dans lequel de l’eau pure est herméti­quement scellée.

« Le Spiritisme parle des manifestations d’une puissance équivalente à des milliers de livres et qui se produisent sans cause connue. L’homme de science qui croit fermement à la conservation de la force, et qui pense qu’elle ne se produit jamais sans un épuisement de quel­que chose pour la remplacer, demande que lesdites manifestations se produisent dans un laboratoire où il pourra les peser, les mesurer, les soumettre à ses propres essais.

On voit avec quelle méfiance, quelles précautions, le savant chimiste avance dans son induction. Il ne veut accorder sa confiance qu’à la condition ex­presse que le phénomène se produira dans son la­boratoire, sous son aile en quelque sorte, afin d’être bien sûr que nulle supercherie, nulle illusion n’influenceront les résultats qui pourront se pro­duire : voilà la vraie sagesse. Combien nos savants français, qui nient a priori, sont loin de suivre son exemple !

Ces lignes que nous citons plus haut ont été écri­tes en 1870, mais en 1876, après quatre ans d’investigations tenaces, le grand physicien écrit :

« Je ne dis pas que cela est possible, je dis que cela est ».

La Société Dialectique de Londres, fondée en 1867, sous la présidence de Sir John Lubbock, et comptant au nombre de ses vice-présidents Tho­mas Henry Huxley, un des professeurs les plus sa­vants de son époque et Monsieur Georges Henry Lewes, physiologiste éminent, décida dans sa séance du 6 janvier 1869 qu’un Comité serait nommé pour étudier les prétendus phénomènes du Spiritisme et en rendre compte à la Société. Le dé­bat qui s’éleva au sujet de cette décision montra que la plupart des membres ne croyaient pas au Spiri­tisme et les journaux anglais accueillirent avec des cris de joie cette nomination d’un Comité qui, on le pensait, coulerait à fond le Modern Spiritualism autrement dit le Spiritisme.

A la profonde surprise du public anglais, la Com­mission, après dix-huit mois d’études, conclut en faveur de la réalité des manifestations.

Parmi les membres qui prirent part à cette en­quête, était le grand naturaliste anglais Alfred Rus­sel Wallace, émule et collaborateur de Darwin, et déjà lui, convaincu de la réalité des phénomènes. Comme Mapes, comme Hare et tant d’autres, Mon­sieur Wallace, vaincu par l’évidence, a fait coura­geusement sa profession de foi dans un livre : Mi­racles and modern spiritualism qui passionna toute l’Angleterre.

Au nombre des témoins entendus par le Comité de la Société Dialectique, figuraient Monsieur le Professeur Auguste de Morgan, Président de la So­ciété mathématique de Londres, Secrétaire de la So­ciété royale astronomique et Monsieur Varley, In­génieur en Chef des Compagnies de télégraphies, inventeur du condensateur électrique, qui résolut définitivement le problème de la télégraphie sous-marine.

M. de Morgan s’est affirmé hautement par un li­vre : From matter to Spirit et nous verrons plus loin une lettre de M. Varley dans laquelle il rend en public hommage aux Esprits.

Un semblable concours de grands noms pourrait paraître suffisant pour établir solidement la théorie spirite, mais dans des matières aussi controversées, il ne faut pas craindre de multiplier les affirmations autorisées. Voici encore d’autres témoignages :

Sous le pseudonyme d’Oxon, le Révérend Stain­ton Moses étudia pendant cinq ans le phénomène dit de l’écriture directe, c’est-à-dire de l’écriture produite sans l’intervention d’aucune personne vi­vante. Il publia un livre intitulé Spirit Identity qui aura son utilité dans la discussion qui succèdera à cet exposé. Un autre homme éminent, Sergeant Cox, jurisconsulte, philosophe, écrivain qui, lui aussi arriva à cette conviction par l’examen des faits.

Rappelons de même que M. Barkas, membre de la Société de Géologie de Newcastle, raconta ses ex­périences dans un livre fort intéressant intitulé Ou­tliness of investigations into modern spiritua­lism.

La lutte ne fut ni moins vive, ni moins ardente en Angleterre qu’aux Etats-Unis ; les adversaires du Spiritisme devaient, là aussi, faire tous leurs efforts pour détruire la vérité nouvelle ; mais dans ce pays de libre discussion, où la crainte du ridicule est moins vive que chez nous, les convertis ne reculè­rent pas devant l’affirmation nette et carrée de leur changement de front.

Parmi les sceptiques les plus endurcis, se trouvait le Docteur Georges Sexton, célèbre conférencier qui avait fait une campagne des plus vives contre la nouvelle doctrine. L’étude attentive des faits l’amena après quinze années de recherche, à la conviction : « J’ai obtenu, dit-il, dans ma propre maison, en l’absence de tous médiums autres que des membres de ma famille et des amis, chez lesquels la faculté médiumnique avait été développée, la preuve irréfutable et de nature à frapper la froide raison, que les communica­tions reçues venaient d’amis et de parents dé­cédés » (Wallace : Les Miracles et le Modern Spiritualism).

Un autre savant, le Dr Chambers, longtemps ad­versaire déclaré du Spiritisme, fut obligé de se ren­dre à l’évidence et confessa loyalement son erreur passée dans le Spiritual Magazine.

Citons aussi en terminant, parmi les spirites illus­tres, le Docteur James Gully, auteur de Névropa­thie et Névrose et de L’hygiène dans les mala­dies chroniques qui fit autorité en Angleterre.

Comme on le voit, à ses débuts, le Spiritisme a surtout recruté ses adeptes parmi les hommes de science. Le côté relatif aux phénomènes a été étudié avec toute la rigueur qu’y apportent les savants, et il est sorti triomphant des épreuves multiples auxquelles il a été soumis.

Une société a vu le jour en Angleterre, en 1931, intitulée : Society for Psychical Research. Elle a ou­vert une enquête sur les apparitions en publiant ré­gulièrement le récit de ses travaux dans les procee­dings et le journal de la société. Elle a édité un li­vre : Phantasm of the living (Fantômes de vi­vants) qui relate plus de sept cents cas d’apparitions bien constatées. MM. Myers, Gurney et Podmore, les auteurs attribuèrent ces phénomè­nes à ce qu’ils nomment la télépathie, c’est-à-dire à l’action à distance de l’Esprit d’un humain sur un autre humain. L’apparition se nomme alors une hallucination véridique. C’est là une tentative scien­tifique pour faire rentrer ces phénomènes dans le cadre des lois connues.

Cette investigation a eu pour résultat de donner un regain d’actualité et nous voyons des savants comme Lodge, surnommé le Darwin de la physi­que, adjurer à l’Association britannique pour l’Avancement des Sciences, ses confrères de mar­cher de l’avant et d’aborder résolument ces études si captivantes et encore si nouvelles. Ces phénomè­nes et ceux de la transe ont fini par convaincre l’illustre psychologue F.W.H. Myers de la réalité des rapports entre l’humanité terrestre et l’humanité dé­sincarnée. Dans son livre La Personnalité hu­maine et sa Survivance après la mort il a fait une magnifique synthèse de l’action extracorporelle de l’âme et c’est une des plus brillantes conquêtes du Spiritisme qui a rallié déjà tant d’hommes éminents dans toutes les branches de la science. Nous men­tionnerons parmi les nombreux journaux anglais The Light édité sous la Direction de Dawson Roggers et The Two worlds.

En France

Cet avènement qui débuta en Amérique, avec les sœurs Fox à Hydesville, suscita en France une curiosité des plus vives et bientôt, la vogue des ta­bles tournantes atteignit un degré extraordinaire.
Dans les salons, la mode était d’interroger les gué­ridons pour les questions les plus futiles : c’était un passe-temps d’un goût nouveau et qui fit fureur.
Durant les années 1851 et 1852 chacun ne vit dans ces pratiques qu’un agréable divertissement, on ne prenait pas le phénomène au sérieux et comme on ignorait les remarquables travaux dont cette étude était l’objet de l’autre côté de l’océan, on ne tarda pas à délaisser les tables tournantes, qui n’avaient eu pour la masse que l’attrait de la nou­veauté et l’étrangeté des procédés.

C’est un monsieur Jobert, de Lamballe, un certain jour qui fut illuminé par cette géniale trouvaille, et, l’Académie s’empressa de louer le perspicace savant qui avait découvert dans les mollets humains des propriétés aussi inattendues.

 

Publié dans Phénomène Spirite

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